Expérience candidat : pourquoi l'adapter aux hypersensibles ?

L’expérience candidat est l’émotion ressentie par les candidats tout au long du processus de recrutement. Si elle est aujourd’hui au centre des priorités des DRH et recruteurs, c’est parce qu’elle constitue l’une des réponses face aux difficultés de recrutement importantes, mais aussi, aux évolutions du rapport au travail et des attentes des candidats. Au-delà, une expérience candidat réussie est souvent gage de fidélisation des talents.

En parallèle, les entreprises sont plus attentives à adapter leurs environnements et leurs process aux besoin des profils atypiques. Parmi lesquels, les neuro-atypiques, tels que les HPI, les multipotentiels, les hypersensibles ou encore les personnes présentant des troubles de l’attention (TDAH). Certaines entreprises, comme Microsoft, mettent même en place des stratégies spécifiques pour favoriser la neurodiversité dans les recrutements.

Les hypersensibles représentent près de 25 % de la population. Il est donc temps de prendre en compte leurs besoins dans les processus RH. 

Ce dont nous allons parler dans cet article :

Expérience candidat et hypersensibles : quel rapport ?

C’est d’abord un rapport sémantique. L’expérience candidat se définit comme une émotion, un ressenti durable. Or, si l’on en croit leur définition, les hypersensibles sont un peu « experts » en la matière, puisqu’ils sont ultra-réceptifs aux sollicitations émotionnelles, cognitives et sensorielles. Alors, ces profils neuro-atypiques sont peut-être le mètre étalon idéal de la qualité de votre processus de recrutement. 

Pour nous aider à y voir plus clair, nous avons interviewé Brigitte Castel, Psychologue du Travail, formatrice Bien-être et elle-même hypersensible.

Décryptage.

Qu'est-ce que l'expérience candidat ?

La définition de l’expérience candidat renvoie à une émotion éprouvée au cours d’un processus de recrutement, de sa première interaction avec l’entreprise, souvent virtuelle, à son intégration ou à la dernière étape de sélection si ce dernier n’est pas retenu.

En effet, quel que soit l’issue du recrutement, le candidat doit vivre une expérience agréable. Pour de nombreuses raisons :

  1. Le souvenir de l’expérience vécue conditionne sa propension à recommander l’entreprise à d’autres candidats, qu’il soit recruté ou non.
  2. La fluidité du parcours de recrutement joue sur son intégration dans l’entreprise : c’est un levier de fidélisation des talents, 
  3. Une communication fluide évite les déperditions de candidats au cours du processus de recrutement.
  4. Enfin, l’expérience candidat contribue de la réputation globale de l’entreprise, et de la performance globale de l’expérience client.

En effet, certains candidats peuvent devenir des clients.  Inversement, un candidat frustré ou en colère peut nuire à l’image de marque de l’entreprise. 

Comment décrire un candidat hypersensible ?

Maintenant que nous savons définir l’expérience candidat, penchons-nous sur les spécificités du candidat hypersensible.

Quelles sont les caractéristiques des hypersensibles ?

Le docteur Elaine N. Aaron, chercheuse et psychologue, définit l’hypersensibilité comme un trait de caractère (et non une pathologie). Il reflète une sensibilité plus forte que la moyenne

Les formes d’expression de l’hypersensibilité peuvent être variées. Par exemple, si une majorité d’entre eux est introvertie, certains hypersensibles ont besoin de recharger leur énergie au contact des autres. Du point de vue de l’émotivité, c’est pareil. Certains hypersensibles sont très émotifs, quand d’autres se surprotègent en utilisant des techniques de distanciation , qui les rendent presque froids face à des situations extrêmes, telles que le deuil ou un stress intense.

En revanche, il existe certaines caractéristiques communes à tous les hypersensibles.

Parmi elles , on notera surtout un traitement plus profond de l’information et une hyper-réactivité sensorielle.  Mais aussi :

  • Une grande exigence vis-à-vis d’elle-même, et une capacité de remise en question importante ;
  • Des capacités sensorielles accrues, qui exposent l’hypersensible à la surcharge sensitive ou cognitive (prise en compte des signaux faibles dans l’environnement, et des stimuli tels que le bruit, etc.)
  • Une empathie surdéveloppée générant un sens élevé de la justice et  forte émotivité ; 
  • Des difficultés à prioriser les différentes sources d’information qui s’imposent à eux.

Il est important de distinguer les modes d'expression de l'hypersensibilité. Pour certains, cela se passe plutôt sur le plan sensoriel, alors que d'autres cela se passe davantage sur le plan émotionnel. Ils vont être plus dans l'empathie et capter de nombreux signaux de leur environnement. Ce faisant, les hypersensibles entrent dans le champ informationnel de leur interlocuteur et de leur environnement. En conséquence : ils ont du mal à distinguer ce qui relève de leur propre réalité (les informations qui leur sont propres) et ce qui ne leur appartient pas (les informations dans lesquels ils baignent). Ils sont traversés par des émotions qui ne sont les leurs et il leur faut donc apprendre à se distancier de tout cela.

Mais recruter un hypersensible n’est pas forcément un objectif spécifique. Ce trait neuro-cognitif ne présage d’aucune compétence particulière, si ce n’est d’un traitement différent de l’information. 

D’autant qu’il n’y a aucun lien avéré entre hypersensibilité et Haut Potentiel.

Quel est donc l’intérêt d’adapter son process de recrutement en tenant compte des besoins des hypersensibles ?

Les hypersensibles représentent 20 % à 25 % de vos candidats

Tout simplement. Et c’est une moyenne. Il y aurait environ 17 millions d’hypersensibles et ces profils seraient plus présents dans certains métiers prisés par les neuro-atypiques. Selon les spécialistes, on les trouvera plus volontiers dans les métiers de l’informatique, mais aussi dans les métiers de l’écriture, les métiers créatifs et artistiques, ou encore les métiers liés à la nature. Mais la véritable question n’est toujours pas là.

Et si les hypersensibles étaient une boussole pour vous guider vers l’excellence en matière d’expérience candidat ? En effet, l’expérience candidat est une émotion, un ressenti.  Autant faire appel à des pros du sujet !

Comment améliorer l'expérience des candidats ?

Demandons-nous donc comment aborder votre processus de recrutement pour l’adapter aux hypersensibles. Comment améliorer l’expérience candidat pour ces profils atypiques ?

Les points de contacts de l'expérience candidat : halte aux irritants

L’expérience candidat est un processus dans lequel il existe plusieurs points de contacts qui sont générateurs d’un sentiment ou d’une émotion. Les principaux sont les suivants :

  • le premier contact avec la marque employeur (avant la candidature);
  • la navigation sur le site ou la page carrière de l’entreprise ;
  • la lecture de l’offre d’emploi ;
  • la prise d’information sur le web et les réseaux sociaux ;
  • les premiers échanges avec le recruteur ;
  • les entretiens et les phases de test ;
  • les échanges faisant suites à l’entretien ;
  • le premier contact avec l’équipe, la contractualisation et l’onboarding.

A ces différentes étapes du processus de recrutement, il est important d’éviter les  irritants. Comme pour l’expérience client, une stratégie centrée sur l’expérience candidat consiste à faire la chasse aux zones de friction afin de faire vivre aux personnes une expérience agréable et fluide tout au long du parcours, et, ce, quel que soit le mode d’interaction, physique ou digital.

Une expérience candidat fluide est d’ailleurs indispensable au référencement de vos offres d’emploi par Google. Ainsi, si le candidat doit fournir des informations personnelles plus d’une fois pour répondre, Google vous sanctionnera.

Bien souvent, cette stratégie vise d’ailleurs à tirer le meilleur parti du binôme Homme-Machine. Par exemple, au cours du process de recrutement, un chatbot, un agent conversationnel va compléter les points de contact traditionnels (appel téléphonique, mail, etc.). 

In fine, l’objectif est de réduire l’ensemble des irritants qui se trouvent sur le parcours du candidat. Par exemple, un mail laissé sans réponse. Un site carrière trop complexe. Un processus de recrutement très chronophage pour le candidat ( Cv vidéo ou tests à rallonge, par exemple).

Et s’il y a un type de candidat qui déteste quand ça gratte, quand ça pique, ou quand ça frotte , c’est bien l’hypersensible !

Comment améliorer l'expérience candidat des hypersensibles ?

Alors, imaginez, si vous deviez améliorer l’expérience candidat d’un hypersensible : quels seraient les leviers ? 

  1. Faites de la musique, pas du bruit.

💡Pourquoi ? Par définition, l’hypersensible est un hypersensoriel qui a les 5 sens en ébullition. Il a besoin de s’éloigner des sources de stimulation sensorielle et cognitive pour recharger ses batteries. Bref  : les hypersensibles aiment le beau, mais pas la confusion. Donc : faites de la musique, pas du bruit.

✔️Comment ? Soignez l’expérience de navigation sur votre site carrière. Méfiez-vous des pop-up et autres notifications à répétition qui sont des pompes à énergie et attention. Evitez aussi de noyer l’utilisateur sous un flot de pages pour accéder à la bonne information.

Dans votre processus de recrutement, évitez les stimulations inutiles et génératrices de stress. Remplacez deux appels + un sms menés dans l’urgence par un seul mail simple, clair et attractif, travaillé.

Il faut veiller à ce que le candidat puisse se ressourcer tout au long du processus. Il faut aussi que l'environnement dans lequel on reçoit le candidat soit sain pour éviter de trop le sur-solliciter. Typiquement, les environnements dans lesquels c'est le marathon et où il n'y a pas de pauses ne sont pas vraiment adaptés pour un hypersensible.
Dans un environnement digital, c'est pareil, il faut éviter la sur-stimulation et permettre des pauses.

 

  1. Incarnez vos valeurs et misez sur l’authenticité

💡Pourquoi ? Par définition, les hypersensibles sont plus empathiques que la moyenne.  Ils s’identifient facilement aux autres. En revanche, ils ont un sens accru du détail, et mettent plus de temps à prendre une décision car ils prennent en compte de nombreuses informations périphériques. Ils pourraient ainsi passer des heures à analyser les avis et recommandations des autres employés.

 La personnalisation, l’incarnation, leur offre une occasion subtile de se fier à leur intuition, plutôt que de passer un temps infini à faire des plans sur la comète sans information factuelle ou précise. Idem, une stratégie d’inbound recruiting ou un plan de communication RH bien ficelé, permet de fournir en amont aux hypersensibles les informations dont ils ont besoin, pour faire le choix de positionner leur candidature, ou pas.

✔️Comment Incarnez les valeurs et la culture de l’entreprise via vos ambassadeurs, et soignez votre réputation sur le web.

Ne mentez pas sur votre promesse employeur et reflétez en actes ce que vous dites sur le papier. 

 

   3. Ne transformez pas votre process en test de résistance au stress

 

💡Pourquoi ? À ce jeu-là, vous risqueriez de vous couper d’une proportion non négligeable de candidats, en particuliers les profils neuro-atypiques.

L’anticipation est un syndrome de l’hypersensibilité qui consiste à échafauder plein de plans et ne pas vivre dans l’instant présent. Ces personnes ont besoin d’un cadre clair et transparent pour canaliser leur tendance à la projection. 

✔️Comment ? Communiquez clairement les étapes et le calendrier du process. 

4. Soyez à l’heure (ou prévenez)

 

💡Pourquoi ?  Ce n’est peut être pas le cas de tous les postulants, mais on vous assure, les hypersensibles sont presque systématiquement à l’heure à l’entretien de recrutement. Ou en avance. La faute au syndrome d’anticipation. Il engendre une organisation mentale et logistique très huilée, qui peut elle-même être source de stress alors même qu’elle a pour but d’apaiser les angoisses du candidat.

✔️Comment ? Faites de votre mieux pour tenir le timing de vos entretiens (ou préparez des messages d’alertes que vous pourrez déclencher en cas de retard).

4.  Soignez le cadre, pour rendre possible la rencontre

 

💡Pourquoi ? Là encore, l’hypersensibilité génère certains comportements spécifiques. Souvent (mais pas toujours) introvertis, ces profils de candidats sont déjà plus souvent stressés que la moyenne. Lors de l’entretien, leur hyperesthésie peut les conduire à être gênés par des éléments secondaires du décor. Par exemple, le bruit, l’ambiance générale, les interruptions soudaines. Cela peut mettre le candidat en situation d’échec. 

Mais aussi, cela peut l’empêcher de se livrer avec authenticité vis-à-vis du recruteur. Dans les moments de stress intense, difficile d’entrer en relation avec un hypersensible, qui peut soudain mettre énormément de distance pour éviter de se fissurer. Or, l’employeur a besoin de vérifier l’alignement des appétences, des valeurs et des compétences douces du candidat.

✔️Comment ? Optez pour un cadre agréable, professionnel, adapté. Et proposez, quand c’est adapté, des alternatives tels que les entretiens vidéos différés, par exemple, qui facilitent non seulement la logistique du candidat, mais aussi sa préparation.

5. Respectez l’engagement émotionnel du candidat, quelque soit votre réponse

 

💡Pourquoi ?  Les hypersensibles ont un niveau d’exigence élevé, ce qui peut les amener à accorder beaucoup d’importance à respecter les process. Ils s’engagent émotionnellement et l’absence de réponse à une candidature peut fragiliser leur confiance professionnelle.

✔️Comment ? Faites un feedback constructif au candidat, même s’il n’est pas retenu. Expliquez ce qui n’a pas matché en contextualisant l’analyse du profil candidat au regard de l’offre d’emploi et du projet de l’entreprise.

6. Evitez surchauffe émotionnelle et cognitive lors de l’onboarding

 

💡Pourquoi ?  Les hypersensibles ont un traitement plus profond de l’information, ce qui est plus énergivore.  Cela s’explique à la fois par une capacité à absorber un important flux d’information, mais la contrepartie est souvent un  déficit d’inhibition latente. Ce concept désigne  la faculté d’accorder une moindre importance à des stimuli sensoriels présents dans notre environnement et déjà connus. Ce n’est pas le cas pour un candidat hypersensible qui peut se laisser disperser.

Lors de l’onboarding, les informations sensorielles et émotionnelles à gérer sont déjà nombreuses pour un hypersensible. Ce nouveau collaborateur pourrait d’ailleurs vous épater par sa capacité à intégrer rapidement de nombreuses informations, mais n’en faites pas trop, car ce trop-plein peut être difficile à gérer.

✔️Comment ? Considérez la réussite de l’onboarding des collaborateurs une course de fond, pas un sprint.

L'hypersensible va être hyper impliqué et motivé au départ. Il va souvent être très rapide, mais s'il n'est pas dans un contexte favorable pour se ressourcer, il va vite s'épuiser. Il n'est pas toujours conscient de son hypersensibilité et peut s'exposer à de la surcharge cognitive ou émotionnelle facilement. Dans le processus d'intégration, il est aussi important de tenir compte du fait que les hypersensibles peuvent parfois s'écarter du groupe, inconsciemment, pour s'éviter d'absorber la réalité et l'énergie des autres. C'est un besoin quasi-physiologique qu'il faut respecter. Ce type de collaborateur va avoir besoin d'une certaine liberté dans son organisation, pour pouvoir lui même mettre en place les conditions favorables à son calme, et à sa performance. C'est une condition pour qu'il puisse pleinement exprimer son potentiel.

Bonnes pratiques de recrutement : pour tous les candidats !

Le Guide Ultime de l’expérience candidat de Yaggo identifie les bonnes pratiques en matière d’expérience candidat. Parmi celles mentionnées :

  1. Soigner le premier contact à la marque ;
  2. Rédiger des offres d’emploi claires et attractives ;
  3. Simplifier le parcours du candidat ;
  4. Etre transparent sur le process de recrutement ;
  5. Intégrer la réciprocité dans les échanges ;
  6. Considérer l’expérience candidat en première étape de l’expérience collaborateur;
  7. Demander des feedbacks sur le processus, aux anciens candidats ou aux nouveaux collaborateurs.

Finalement, les meilleures pratiques en termes d’expérience candidat s’appliquent à tous les candidats. Hypersensibles ou pas. Mais aussi aux hauts potentiels (ou pas), aux hauts niveaux (ou pas) et aux profils pénuriques (ou pas).

Mais comme la contrainte est source de créativité, la prise en compte des besoins des hypersensibles est une formidable opportunité pour questionner vos process.

D’ailleurs, si vous avez détecté des profils atypiques dans vos équipes, c’est peut-être le moment de les interroger à ce sujet.

L'essentiel à retenir

  1. Facilitez la vie du candidat ;
  2. Misez sur l’authenticité et respectez votre promesse employeur ;
  3. Respectez l’engagement émotionnel du candidat ;
  4. Considérez l’expérience candidat comme la première étape de l’expérience collaborateur.